Plus d’un millions de dollars et 4 années de travail, c’est ce qu’il aura fallu à Daft Punk pour produire Random Access Memories. Le résultat est un succès retentissant aussi bien d’un point de vue commercial que technique. L’album sonne, c’est indéniable. Que l’on aime ou pas leur musique, il faut reconnaître qu’une production a rarement été aussi bien réalisée ces dernières années. Le magazine anglais Sound On Sound parle même de la meilleure production du 21eme siècle, rien que ça !
Ce qui fait la particularité de cet album, c’est la façon dont il a été conçu. Pionniers de la French Touch, la musique électro de Daft Punk était principalement composée et enregistrée dans leur home-studio. Leur démarche a toujours consisté à s’occuper eux-même de l’intégralité de leurs productions.
Cela dit, après avoir passé des années à produire de la musique sur leurs ordinateurs, le duo reconnaît avoir perdu quelque chose en route : l’aspect humain et organique, celui qui fait vivre la musique. Le concept de l’album est alors radical : enregistrer à l’ancienne, comme dans les 70’s, uniquement avec de vrais musiciens, dans de vrais studios et avec un producteur expérimenté.
Mick Guzauski aka « Mix Maestro »
Leur choix se porte sur Mick Guzauski, ingénieur surdoué qui a travaillé avec les plus grands depuis les années 70 : « Je me suis dis c’est sympa, mais pourquoi ils m’appellent à moi ? Je n’ai pas beaucoup d’expérience en musique électronique (…). Puis on a discuté et ils m’ont dit qu’ils voulaient un album rétro, comme dans la disco des 70’s, uniquement avec des musiciens qui jouent live. L’idée était de l’électro basée sur des performances lives. Je me suis dis que ça allait être génial ! »
Tout est dans la prise de son
Ce sont les prestigieux studios Conway Recording à Los Angeles qui ont été sélectionnés pour l’enregistrement des musiciens. Le studio est équipé d’une console Neve 88R et les prises de son sont principalement live avec quelques overdubs de percussions. L’objectif était d’avoir un son naturel, inspiré des 70’s avec un minimum de traitement. La prise de son a donc été particulièrement travaillée.
La batterie
Pour la batterie, des panneaux acoustiques ont été disposés pour réduire la réverbération de la live room. La grosse caisse était reprise par 4 micros. Un AKG D112 et un Sony C500 collés l’un à l’autre à l’intérieur, un Neumann U 47 FET à l’extérieur et un Yamaha Subkick.
Le D112 est un classique et permet d’obtenir un bas médium punchy. Le Sony C500 est plus rare sur une grosse caisse. Il s’agit d’un vieux micro à condensateur qui n’est plus fabriqué. Il encaisse de fortes pressions acoustiques et a une très belle réponse dans les aigus. Mick Guzauski l’utilise pour rajouter de la définition plutôt que d’utiliser l’EQ. Le U 47 quand à lui permet d’avoir plus de corps et le Subkick des résonances plus profondes.
Sur la caisse claire, c’est un SM57 pour la peau et un AKG C-452 pour le timbre. Pour les toms ce sont des MD421. En ce qui concerne le reste du kit, les micros utilisés sont une paire de Schoeps CM5U pour les overheads, un AKG C-251 sur le charley et une paire de U87 pour les micros d’ambiance, juste au cas où. En effet le son se veut sec et direct, Daft Punk a d’ailleurs cité Hotel California comme référence.
Très peu d’égalisation a été utilisée à la prise, le duo voulant absolument garder l’esprit du projet, les ajustements se faisaient en déplaçant les micros.
Les claviers
Les parties de piano ont été jouées sur le Yamaha de Conway. Le piano a été divisé en 3 parties avec une paire de DPA et un U67. Les DPA s’occupent de la partie gauche et droite et le Neumann du centre. Le basse a été reprise en DI via un Neve 1081 et un LA-2A, de même pour les claviers. Quant au Rhodes, ce sont des U87 qui ont été choisis.
Les voix
Le groupe s’est souvent déplacé pour enregistrer les différents chanteurs. A Conway, Mick Guzauski a utilisé un U67 sur le morceau Touch et un U47 pour Fragments Of Time. Dans tous les cas branchés dans un préampli Neve 1073 relié à un LA-2A.
Les amplis guitare ont été repiqués par 3 micros pour avoir le choix : un SM57, un U87 et un Royer 121. Le micro d’ambiance est un U67 et le preampli un 1073. Pour les guitares acoustique il s’agit de Schoeps CM5U dans un 1073.
Mixing time
Les prises de son ont toutes été effectuées à la fois sur bande avec un Studer A827 et sur Pro Tools. Il ne s’agit donc pas d’une production totalement sur bandes, le choix se faisant selon les parties. Pour les passages « dance » c’est le côté punchy du numérique qui a été choisi et pour le reste la chaleur et la rondeur du son à bandes.
En ce qui concerne la partie mixage, Mick Guzauski a surtout fait un long travail d’équilibre sur la Neve avec pour consigne : aucun plugin ! Tout est analogique sauf le De-esser. Il ne s’agissait pas pour lui de transformer les prises mais de les combiner, de les marier en leur donnant du relief grâce aux ambiances, notamment avec la plate EMT 140, l’eventide H3000 et la Lexicon PCM42. Ses compresseurs de prédilection sont le LA-2A et le 1176 qu’il utilise sur les guitares et les voix vocodées, le tout avec une approche toujours aussi minimaliste.
Le résultat est un album organique avec des basses profondes et puissantes. Le son n’est pas sur-compressé et le tout respire. Un album hors du commun, aussi bien au niveau du coût que de la qualité de production !
NB : ils n’ont jamais utilisé d’ordinateurs pour leurs premiers albums, mais des machines
Oui, le terme « ordinateur » sert a simplifier mais l’approche est identique. A l’époque, ils utilisaient des machines analogiques comme le synthé Juno mais aussi des samplers numériques et des sequencers, boites à rythme… Ce ne sont pas vraiment des ordinateurs en apparence mais en réalité c’est numérique donc c’est la même chose sans écran, seule l’interface est différente. De plus, beaucoup utilisaient des Atari à la fin des 90’s.
Dès 2005, le groupe utilisait largement des logiciels, par exemple Live de Ableton dont ils expliquent leur utilisation dans cette interview :
http://www.macmusic.org/articles/view.php/lang/fr/id/104/Thomas-Bangalter-Daft-Punk-et-Live
Pour revenir à RAM, il y a quand même des ordinateurs mais l’approche est plus organique et humaine.
« Aujourd’hui, dans les studios, la musique n’est plus vraiment enregistrée ; elle est générée par des ordinateurs. Le processus qui consiste à capter un moment unique puis de le faire partager à d’autres tend à disparaître. Notre idée a été de cacher la technologie, de la placer au fond, jamais en surface. » Ce qui ne veut pas dire que les ordinateurs sont absents : le morceau Touch, longue suite ambitieuse écrite avec Paul Williams, comporte 250 pistes différentes. «
Excellent article, merci!!! 🙂
Avec plaisir 😉
Bonjour et merci pour votre article que je viens de découvrir. Pouvez-vous en citer les sources pour que je puisse aller plus loin dans ma recherche s’il vous plaît ?